La caméra multiplane

Une invention "Disneyienne"

Le prototype de la camera multiplane fut mis au point dans l'école d'approfondissement du studio Disney afin de répondre à l'attachement de rendre les dessins animés plus proches du réel, et du fait beaucoup plus plaisants à regarder. Initialement le prototype a été conçu pour les longs-métrages d'animation, et avec le temps, la super caméra fut sans cesse améliorée, devenant ainsi l'outil favori de l'animation disneyenne et enterrant l'âge de la caméra d'animation.

Cette dernière était pourtant d'un usage simple qui permettait à la compagnie de fabriquer rapidement des courts-métrages, très en vogue depuis la création des studios Disney jusqu'aux années 50.

La caméra multiplane exposée aux studios Disney de Burbank, Californie. © DR

Le principe de la caméra d'animation

Lors de l'émission "Tricks of the trade" (1957), Walt Disney compare le temps d'un documentaire explicite l'effet de la caméra d'animation par rapport à la nouvelle caméra multiplane.

Pour donner vie à Mickey dans un court-métrage, il suffisait de peindre le personnage sur des feuilles transparentes de Celluloïd. On place une feuille sur un arrière-plan, lui aussi peint, qui ne bouge pas. Chaque feuille sera ainsi placée l'une après l'autre sur l'arrière-plan, puis photographiée, constituant à chaque opération une image du film. Cependant il faut déplacer l'arrière-plan de quelques millimètres entre chaque feuille pour obtenir un effet panoramique où le personnage évolue dans le décor c'est-à-dire lui donner l'illusion qu'il se déplace. Si on observe l'action à l'écran, Mickey peut donner l'impression de dimensions. En effet, il peut s'éloigner et s'approcher, Il peut tourner sur lui-même. Il ne donne pas le sentiment d'être plat, au contraire, il possède une certaine rondeur.

L'illusion optique est telle que le court-métrage se décline presque en 3D sous nos yeux. Cependant, lorsque le personnage disparaît de la scène, il emporte avec lui la dimension qu'il donnait: la "planitude" originale de l'arrière-plan devient évidente. Par exemple, quand la caméra approche sur une scène de clair de lune, c'est toute la scène en question qui devient plus grande, y compris la lune.

Un pas de plus vers le réalisme

Toutefois, si le décor était réel, la lune ne grandirait certainement pas de cette façon. De même si on s'en éloigne, elle ne se réduirait pas comme sur le décor. Le problème de la caméra d'animation était donc là.

La scène peinte en 2D ne parvenait pas à rendre le dessin réaliste. C'est à ce moment précis que la compagnie Disney chercha un nouveau projet pour une nouvelle caméra d'animation - connue désormais comme la célèbre caméra multiplane. Le problème du réalisme fut donc enfin résolu.

Pour comprendre le fonctionnement de la caméra multiplane, continuons notre exemple avec la scène du clair lune. Le décor n'est plus un arrière-plan global mais une multitude de plans (d'où le nom de la caméra multiplane). Les éléments du décor sont séparés selon les distances par rapport à la vue du spectateur.

La caméra multiplane en fonctionnement, probablement pendant la production de "Alice au Pays des Merveilles" au début des années 1950. © DR

Ainsi la lune était sur le plan le plus éloigné de la caméra. Avec notre dessin d'origine découpé de cette manière, il est possible de régler la vitesse de vue des différents éléments. De plus, la lune demeure ainsi absolument immobile et de même taille répondant de fait au problème de réalisme.

Bien sûr, la caméra d'animation ne filme pas en prise de vue latéralement, mais elle est placée au-dessus et filme en bas, vers le dessin. C'est une astuce ingénieuse pour obtenir un sentiment de vraie profondeur sur des plans peints.

L'avantage de la caméra multiplane s'imposait dans les décors chargés comme pour la forêt dans Bambi. Pour ce film, plusieurs plans peints à l'huile sur du verre sont placés à différents niveaux sous la caméra multiplane. Eux-mêmes peuvent être déplacés de tous côtés, latéralement.

Un parfait exemple d'utilisation de la caméra multiplane dans ce long travelling au début de "Bambi" en 1942 : pas moins de 9 niveaux de peintures sur plaques ont été nécessaires à sa réalisation, qui dura plusieurs semaines !

Un cadreur qui supervise à travers le regard de la caméra multiplane indique aux ouvriers comment placer les plans puisqu'il voit tous les niveaux associés en une image. Lorsque le décor souhaité est bien mis en place, le cadreur photographie l'image avec la caméra. Puis, comme les plans peuvent bouger indépendamment les uns des autres, les ouvriers décalent à nouveau les différents plans, et une autre photographie est réalisée. Ainsi se succèdent les images donnant le sentiment de profondeur réel.